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N° 37 - Janvier 2020

Christie Morreale au micro

« LA TRANSITION NUMÉRIQUE NE DOIT LAISSER PERSONNE AU BORD DU CHEMIN »

Comment la socialiste liégeoise Christie Morreale, intronisée ministre régionale de la Santé en septembre dernier, perçoit-elle l’informatisation des soins ambulatoires, le déploiement de l’e-santé et le partage de données (para)médicales ? e-santewallonie ouvre sa première newsletter de cru 2020 sur les réponses ministérielles.

• e-santewallonie : Comment concevez-vous une bonne organisation de la 1ère ligne de soins ? Quelles impulsions pourriez-vous donner en ce sens ?

Christie Morreale : « Ma volonté est de renforcer et d’encadrer l’offre de 1ère ligne d’aide et de soins. Comment ? En favorisant le développement des pratiques multidisciplinaires de 1ère ligne dans les communes wallonnes. A cet effet, j’entends mettre en place en 2020 les ‘Assises de la 1ère ligne’. L’idée est de proposer une politique cohérente et intégrée des soins de 1ère ligne. A cet égard, il est nécessaire selon moi d’interroger le terrain, afin de dégager des solutions adaptées à long terme et ainsi répondre aux réalités vécues par les prestataires et les patients.

Les nouveaux défis tels que l’hospitalisation à domicile (2ème ligne) devront s’harmoniser, trouver un cadre structurel et s’articuler avec l’organisation actuelle de la 1ère ligne.

Les analyses de ces Assises étudieront le développement en interne des maisons médicales pour qu’elles puissent s’adapter aux projets pilotes fédéraux, aux politiques de soins qui visent à réduire les séjours hospitaliers. Il s’agira de proposer un écosystème étudié où le rôle de chaque prestataire est déterminé mais souple et flexible pour se confondre avec les besoins d’un trajet de soin pas toujours linéaire. »

Une clef de la sécurité des soins

• Êtes-vous favorable à l’informatisation des pratiques des différents métiers de la 1ère ligne de soins ?

« L’informatisation de la médecine est aujourd’hui incontournable. C’est l’avenir. C’est une évolution sociétale majeure qui contribue à améliorer la qualité des soins et qui peut conduire à terme à une diminution de certains coûts. La Wallonie soutient le Réseau Santé Wallon, qui a toute la confiance des acteurs et actrices de terrain, ce qui est essentiel quand on parle de données médicales. Il y a aussi le plan eHealth 2019-2021 auquel les entités fédérées ont adhéré et qui reprend la politique mise en place par l’Inami pour informatiser tout le secteur de la santé. »

• Il y a des écarts, entre les différentes professions de soins, dans la connaissance et la maîtrise des outils informatiques et d’e-santé qu’elles peuvent (et parfois doivent) utiliser. Etes-vous en faveur d’une poursuite de l’information et de la formation active à l’e-santé des différents métiers de la 1ère ligne wallonne ?

« La transition numérique, avec une maîtrise des outils, doit soutenir l’ensemble des acteurs de 1ère ligne. Les niveaux de connaissance sont en effet très variables et demanderont un accompagnement adapté à cette transition. C’est l’une des clés de la sécurité des soins.

En Belgique, chaque année, environ 2.000 personnes meurent d’une erreur médicale. Il est donc indispensable que chacun ait une vue optimale du dossier médical du patient. En ce sens, l’informatisation de la santé tend à soulager à la fois le prestataire (par des données médicales précises) et le patient (par une prise en charge plus efficiente). »

• Il y a dans le paysage wallon des « poches de (relative) non-informatisation » : les MR(S). Ne serait-il pas pertinent de former également et spécifiquement leurs personnels, qu’ils ne ratent pas le coche du numérique ?

« Quand on parle des acteurs de 1ère ligne, on parle de tous les prestataires qui vont intervenir dans le trajet de soins. Chaque prestataire doit pouvoir bénéficier de sources fiables en matière de données médicales. Certains intervenants du secteur sont peut-être moins informatisés et nous devons les identifier. J’espère que les Assises de la 1ère ligne permettront d’améliorer la situation. »

Le RSW, un outil à déployer

• L’étude CoMInG a conclu (notamment) à un actuel déficit de connaissance mutuelle et de communication entre des acteurs de la 1ère ligne, entre autres parce qu’ils emploient des systèmes qui ne se parlent pas entre eux. Pourriez-vous réclamer des développeurs de logiciels métiers qu’ils implémentent bien certaines fonctionnalités « d’intérêt public », par exemple l’interopérabilité des softs, leur faculté de se connecter au Réseau Santé Wallon ?

« Sans un cadastre exact de ce qui existe et de ce qui est utilisé par un plus grand nombre, la seule réponse envisageable est une collaboration public-privé pour atteindre un éco-système multidisciplinaire. »


« Certains intervenants du secteur [des soins] sont peut-être moins informatisés et nous devons les identifier. J’espère que les Assises de la 1ère ligne permettront d’améliorer la situation » - Christie Morreale


• Revenons un instant sur cette interface officielle, en Région wallonne, pour les échanges de données de santé : le Réseau Santé Wallon. Plus de 50% des Wallons y sont inscrits et 19.000 prestataires y adhèrent, avec ces derniers temps une progression des non-médecins. Croyez-vous dans cet outil et pourquoi ?

« Le Réseau Santé Wallon est l’une des bases de données de santé la plus avant-gardiste d’Europe. C’est évident qu’il faut continuer à développer l’outil.

Une des réponses à l’étude CoMInG, que vous abordiez dans la question précédente, c’est justement de mettre le Réseau Santé Wallon au cœur de cet éco-système. L’axe de développement prioritaire sera de développer l’accès pour les prestataires de 1ère ligne et ainsi favoriser la santé de proximité. »

• La télémédecine, incarnée par des actes comme la téléconsultation, le télémonitoring, le partage d’images médicales à distance pour un second avis… n’est plus techniquement de la science-fiction (1). Quelle est votre perception de la télémédecine ? Est-elle nécessaire à l’échelle d’un si petit territoire ?

« L'e-santé, les objets connectés, la télémédecine, n'ont de sens que s'ils sont accompagnés d'un suivi rigoureux et d'une réponse en urgence en cas de complications. Le patient relié à l'hôpital est une avancée mais sans l'humain, elle ne sera pas suffisamment sécurisante.
Il n’est donc pas question ici de territoire. La Wallonie peut répondre aux besoins de demain en termes de numérisation. »

• Comment voyez-vous le partage de données sur le statut vaccinal, d’ici quelques années, en Wallonie ?

« Si le Réseau Santé Wallon reprend l’ensemble des soins et si le dossier est complet, il devrait dès lors également reprendre le dossier vaccinal, cela me semble évident. »

Une accessibilité à garantir

• La tendance sociétale générale est à l’informatisation, mais des citoyens risquent de rester à quai. Un patient moins instruit ou nanti ne deviendra pas davantage acteur de sa santé si tout passe demain par du digital, des applis, des dossiers santé en ligne… Comptez-vous prendre des mesures pour réduire la fracture numérique en santé ?

« La transition numérique ne doit laisser personne au bord du chemin. En effet, l’enjeu de l’informatisation de la médecine, c’est de permettre à tout prestataire et patient d’y avoir accès et de mobiliser les outils de manière efficiente. De plus en plus d’applications sont intuitives et assurent une facilité d’utilisation. Par rapport au patient on pourra, par exemple, impliquer les associations de patients pour avoir leur soutien dans la réflexion de cette plateforme idéale. »

(1) le nouvel accord médico-mutuelliste, intervenu après cet interview, prévoit le financement d’expérimentations de téléexpertise, en dermatologie et ophtalmologie






Redéfinir les champs d’action pour éviter les chevauchements

Dans ses relations avec l’administration régionale de tutelle en santé et e-santé, l’AViQ, Christie Morreale sera-t-elle plutôt une ministre dirigiste ou encline à laisser la bride sur le cou ?

« Je suis quelqu’un qui concerte avant de décider », répond la ministre wallonne. « Cela étant, j’ai demandé un cadastre à l’AViQ qui reprend l’ensemble des acteurs de la santé, comme par exemple les fédérations, les plateformes professionnelles, ou encore les associations. Je souhaite avoir une vision très large de toutes ces structures. A partir de ce qui existe, de leurs missions et de leurs zones d’actions, je souhaite mener un travail d’amélioration de l’offre et éviter le chevauchement des missions et des territoires. En d’autres mots, redéfinir les zones d’actions de chacun. Pour vous donner un exemple, si l’on prend les centrales de soins, on va regarder si d’autres organismes font la même chose et on va redistribuer les rôles de chacun pour faciliter le travail et y mettre plus de cohérence. Il s’agit d’harmoniser l’offre dans toute la Région wallonne.
Pour ce faire, nous travaillons en parfaite collaboration avec l’Administration et l’AViQ, afin de garantir aux citoyens un service de qualité optimal. »

Les titre, intro et intertitres sont de la rédaction

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