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N° 68 - Avril 2023

Partage des données

« Nous avons besoins de précurseurs »

Aujourd’hui, la quasi-totalité des logiciels médecins, infis et kinés sont connectés au Réseau Santé Wallon (RSW). Le Dr André Vandenberghe, directeur de projet du Réseau Santé Wallon (RSW) revient sur l’évolution positive de l’échange des données en Wallonie. « Les logiciels sont enfin là, les accès à l’information sont étendus. Il faut désormais des locomotives, toutes professions confondues, pour ouvrir des voies. À chaque fois que nous sommes sollicités, des ponts se créent. »

e-santewallonie : Pourriez-vous rappeler l’intérêt pour les logiciels métiers de se connecter au RSW ?

Dr André Vandenberghe : L’idée de départ du RSW, fondamentalement, est que chaque professionnel de soins se retrouve dans son logiciel métier, qui est le plus adapté à sa pratique, et que de ce logiciel, sans effort, il puisse accéder aux données des autres professionnels et partager ses propres données avec d’autres prestataires. Lorsque c’est pertinent, et avec le consentement du patient.

C’est notre objectif depuis 2006. Cela fait donc longtemps que l’idée est là et il a fallu très longtemps avant que le Fédéral amène les logiciels à se connecter aux systèmes hubs/meta hubs. Auparavant, si un infirmier ou un kinésithérapeute voulait accéder aux données du RSW, il devait se connecter via le portail du RSW. Ce n’est pas convivial. Le cadre n’est pas le même que celui d’un logiciel métier. Face à un patient, il faut se connecter au portail, sélectionner le patient, aller voir l’information recherchée…alors que depuis le logiciel, idéalement, en un clic, c’est fait.

Les premiers logiciels à se connecter au RSW sont les logiciels médecins. Et depuis quelques années, d’autres se sont ajoutés à la danse, comme les kinésithérapeutes, et dernièrement, les professionnels de l’art infirmier. Est-ce que cela va dans le bon sens, ou l’échange de données entre tous les prestataires reste-t-il une utopie ?

Il y a la disponibilité du logiciel. C’était une étape importante. Il faut que les professionnels trouvent un intérêt au système. Un des intérêts est de trouver de l’information. Pour les infirmiers, récemment, l’accès aux données médicales a été étendu. Les infirmiers trouvent donc désormais beaucoup d’informations utiles. Par contre, concernant les kinésithérapeutes, la matrice d’accès fédérale ouvre moins d’accès.

Il y a également le cas des pharmaciens qui ne sont pas connectés au RSW.

Les pharmaciens et les logiciels pharmaciens n’ont pas fait la démarche de se connecter au RSW. Il n’y a pas eu d’incitants. Il y avait un grand objectif lancé en 2013 de faire un dossier de médication partagée – le projet Vidis – mais malheureusement, les pharmaciens n’y participent pas. C’est un rendez-vous manqué pour les connecter au RSW.

Une belle évolution

Comment voyez-vous l’évolution du RSW entre 2006 et 2023 ?

En 2006, il s’agissait encore d’une idée. Nous avons passé la première année à faire des réunions pour définir ce que devrait être le RSW. En 2008 est apparue la plateforme eHealth qui a changé la donne, notamment en matière d’authentification des acteurs, avec les certificats des professionnels. La production réelle du Réseau Santé Wallon a commencé en 2010. Les moyens étant extrêmement limités, nous nous sommes contentés, dans un premier temps, de connecter les institutions hospitalières, puis les médecins. Mais cela fait pas mal d’années que nous voulons connecter les autres professions. Je pense que nous avons perdu énormément de temps, de nombreuses années, à ce niveau-là.

Quels sont les avantages du RSW pour les prestataires de soins ?

Dans la course permanente des professionnels de la santé – ils sont sans cesse surchargés – il y a de nombreux couacs dans la diffusion de l’information. Ils disposent de peu de temps pour envoyer une information à la bonne personne. Il y a énormément de difficultés à trouver le bon destinataire de l’information. Il existe donc de nombreux prestataires qui sont confrontés à des patients dont ils découvrent le dossier. L’avantage du RSW est d’être un système accessible par les destinataires non-adressés, c’est-à-dire des personnes qui ont besoin d’une information mais que personne n’avait imaginé mettre en copie. Sous réserve de l’existence d’un lien thérapeutique, les professionnels de soins peuvent de manière pro-active accéder à une information. C’est très important, car le flux adressé est très difficile à gérer.

Comment inciter davantage de soignants à partager ces informations ?

C’est la question de l’œuf et la poule. Il faut des précurseurs qui fassent la démarche de partager leurs informations. On peut saluer les efforts des médecins, sans que les autres acteurs des soins ne leur renvoient l’ascenseur. Le conseil que je donnerais aux autres professions : n’attendez pas d’avoir toutes les informations des autres prestataires de soins. Faites un effort pour mettre l’information à disposition. Cela permet de générer une confiance, un partage entre les prestataires de soins.

Ce qui est assez paradoxal, c’est que souvent, des prestataires rechignent à mettre des informations à disposition sous prétexte de protéger le secret professionnel et la vie privée des patients. Mais ces mêmes personnes réclament un accès étendu à toutes les autres informations. C’est une constante, quelle que soit la profession : quand on doit mettre soi-même de l’information, on est plus réticent. C’est comme un réflexe naturel.

Plus d’informations

Les choses évoluent cependant.

Je me souviens au départ d’énormément de réticences. Déjà le partage d’informations entre médecins était un peu tabou. Ensuite, l’ouverture du partage avec le patient a mis dix ans à se généraliser. Avec les autres prestataires, cela prend le même chemin. On peut commencer par des flux importants et montrer que cela ne pose pas de problèmes. Cela rassure généralement les professionnels quant au partage des données.

Quelles sont les demandes des professionnels de soins vis-à-vis du RSW ?

Il s’agit essentiellement d’avoir accès à toujours plus d’informations, voire à toutes les informations.

Il y a donc une demande d’élargir la matrice d’accès ?

C’est une demande fondamentale de la plupart des professionnels. Les médecins souhaitent que cet accès ne soit pas étendu systématiquement. Au même titre que les patients qui ne souhaitent pas que la matrice soit totalement ouverte.

Comment naviguer entre ces deux courants ?

Ce que nous essayons de promouvoir au sein du RSW est l’application d’une matrice d’accès par défaut, avec des accès que l’on pense légitime. Et d’y greffer la possibilité pour le patient de donner un accès étendu au prestataire de son choix.

Un exemple avec les kinésithérapeutes. Ces derniers ont aujourd’hui un accès limité aux documents présents sur le RSW : la partie administrative du Sumehr, les allergies et intolérances.

Nous avons donc créé, au sein du RSW, la possibilité pour le kinésithérapeute de demander au patient de créer un lien de type "prise en charge locomotrice". Avec l’accord du patient donc, il aura accès aux données d’orthopédie, de dentisterie et chirurgie maxillo-faciale, et d'imageries qui relèvent de la traumatologie.

Le même travail a été effectué pour les professionnels de l’art infirmier, et cela va être étendu à l’oncologie dans les semaines à venir. Ces derniers ont accès à beaucoup de données, mais pas aux rapports de consultation, aux avis de spécialistes et à divers résultats. Nous venons de décider que les infirmiers vont pouvoir demander aux patients un accès étendu, dans le cadre de la prise en charge oncologique, à l’intégralité du dossier patient.

Cela concerne tous les professionnels de l’art infirmier ?

Les infirmières et infirmiers spécialisés en oncologie sont indentifiables comme tels dans le milieu hospitalier. Ils sont connus du registre CoBRHA, le registre des professionnels de la santé. Par contre, vérifier la qualification en oncologie dans le milieu ambulatoire est plus complexe. Cela repose donc sur la proactivité du prestataire qui demande au patient un accès étendu.

L’échange à améliorer

L’échange des informations s’améliore entre la première et la deuxième ligne ?

Est-ce que la qualité des soins s’est améliorée ? C’est un peu le sens de la question. En milieu hospitalier, tout comme en médecine générale, le constat est identique : on ne peut plus se passer de l’échange d’informations. Le RSW est devenu un outil standard sur lequel on compte. Et s’il est indisponible, c’est une catastrophe.

Mais il y a encore de nombreuses améliorations à réaliser. Par exemple au niveau de l’indexation des documents présents. On se perd dans la masse d’informations. Un effort est réalisé au niveau fédéral pour améliorer l’indexation des documents produits. Mais cela n’avance pas suffisamment vite. Je pense que les hôpitaux attendent des médecins généralistes qu’ils produisent plus de Sumehr, mais aussi des Sumehr plus récents.

Quels sont les défis pour les prochaines années, au niveau du RSW ?

Nous en avons beaucoup. Nous avons un grand défi technologique lié au projet national BIHR (Belgian Integrated Health Record). L’objectif est que le Sumehr ne soit plus un document statique produit par un prestataire à un moment donné, mais une source de données coopérative en temps réel. C’est une révolution dans la manière de travailler. Cela concerne plusieurs chantiers, parmi lesquels le registre de vaccination, le registre des allergies, le registre des médications (projet Vidis), le registre des volontés du patient, des antécédents, des diagnostics.

Tous ces développements nécessitent une évolution technologique avec une nouvelle connexion des DPI suivant un nouveau standard. C’est un nouveau cap technologie à faire passer. Nous avions beaucoup de mal à avoir tous les DPI connectés. Maintenant qu’ils le sont, on va leur demander de se connecter avec une nouvelle technologie. Restera le grand challenge du partage coopératif entre tous les acteurs pour alimenter une source unique de vaccins, d’allergies, de médicaments, de diagnostics…

Le Sumehr sera vraiment central dans ce schéma.

Oui. Pas central d’un point de vue physique, mais central d’un point de vue logique. Il s’agit d’une évolution culturelle dans le mode de travail qui va nous occuper fortement dans les années à venir.

Si l’on étend la réflexion au rôle des non-médecins, par exemple le fait qu’une allergie puisse être déclarée par une infirmière, c’est aussi une révolution importante. Tout comme le fait que le patient puisse lui-même alimenter son dossier.

Un véritable dossier partagé et structuré, c’est autre chose qu’amasser une tonne de documents. Ce sera le vrai challenge du futur.

Le positif est que les prestataires sont demandeurs d’avoir accès à plus d’informations.

Il faut que les outils suivent. C’est un enjeu technologique. Au sein du RSW, nous allons lancer le registre des vaccins et des allergies en production pour septembre prochain. Nous devons travailler avec des fournisseurs de logiciels pour faire cette phase de démonstration. Mais il y a de l’attentisme. Cela repose sur de la bonne volonté, des gens qui y croient. Heureusement, il reste des firmes partantes pour réaliser ce registre interactif. Il faut des volontaires prêts à essuyer les plâtres avec des financements extrêmement faibles.

Comment partager des données de santé ?

Quel que soit votre métier, partager des données de santé au travers de votre logiciel métier nécessite quelques préalables. On les passe en revue avec vous.

Les indispensables

1. Disposer d’un logiciel métier connecté au Réseau Santé Wallon
2. Être inscrit en tant que professionnel sur le RSW
3. Avoir son certificat e-health en ordre

Pour commencer

Configurer le logiciel : directement voir avec votre fournisseur

Pour partager des données de santé d’un patient Une fois par patient :

  • Vérifier avec le patient qu'il ait bien donné son consentement au partage de ses données de santé. Autrement dit, est-il bien inscrit sur le RSW ? Si non, l’y inscrire.

  • Établir le lien thérapeutique avec le patient en passant sa carte d'identité dans votre lecteur de carte eID.

Les accès dépendent de votre métier et sont visibles au travers de la matrice des droits d’accès (visionnez la mini capsule vidéo explicative).

Pour rappel, e-santewallonie accompagne tous les prestataires de soins en proposant un catalogue de formations, de l’accompagnement et des informations pour parfaire leurs connaissances en e-santé et favoriser l’échange de données entre professionnels de soins. Rendez-vous sur la plateforme de formation !

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