Recip-e
« L’objectif est de digitaliser toutes les prescriptions »
Recip-e travaille depuis quelques années déjà sur la dématérialisation des prescriptions électronique. La plateforme communique beaucoup depuis quelques mois, notamment autour de l’intérêt de la dématérialisation des prescriptions de renvoi. L’occasion de faire le point avec Katrien Thorré, directrice de Recip-e.
e-santewallonie : Est-ce qu’il y a une raison de communiquer davantage aujourd’hui qu’avant ?
Katrien Thorré : Nous faisons beaucoup de choses. Nous avons fourni de nombreux efforts dans la dématérialisation des prescriptions de soins. Mais nous avons, comme tout le monde, traversé la pandémie de covid-19. Et tous les logiciels n’étaient pas prêts à emboîter le pas de la dématérialisation. Cela a engendré quelques délais dans nos démarches.
Nous nous sommes donc concentrés sur notre travail pendant ce laps de temps. Aujourd’hui, nous nous rendons compte de la masse d’informations dont nous disposons et il est important de communiquer tant pour les prestataires de soins que pour les patients. Il faudra implémenter les fonctions sur lesquelles nous travaillons dans le cadre de la dématérialisation. Il faut donc dès aujourd’hui sensibiliser au mieux nos publics cibles aux fonctionnalités à venir.
Le rapport annuel 2022 fait justement état du travail accompli et mentionne également ce qui est à venir. On y parle notamment des prescriptions de renvoi. Est-ce le grand chantier de Recip-e ?
Nous travaillons sur deux voies. Effectivement, d’une part sur les renvois de prescriptions, mais également sur les prescriptions pharmaceutiques, pour lesquelles le travail n’est pas terminé. L’objectif est, à terme, de digitaliser toutes les prescriptions.
Le travail sur les renvois de prescription est neuf. Nous collaborons via des groupes de travail avec l’Inami pour cerner les besoins des utilisateurs (prescriptions, patients et citoyens de manière générale). Nous nous occupons de la validation de la solution numérique tandis que le développeur de logiciels Smals assure le développement technique. Ces collaborations permettent d’avoir un produit fini qui corresponde aux besoins du terrain.
Cette manière de fonctionner via des groupes de travail permet d’inclure les prestataires de soins.
Nous sommes même tenus de respecter la représentation des soignants au sein des diverses commissions de l’Inami.
L’analyse des besoins, étape préalable à la création d’un produit, nécessite des gens de terrain pour savoir ce qui fonctionne, ce qui fonctionne moins bien et permet aussi de récolter de très bonnes idées sur comment améliorer la situation. La digitalisation des prescriptions répond à un besoin exprimé par le terrain d’améliorer le flux de travail et le processus de communication entre prescripteurs, prestataires et patients.
Quelle est cette plus-value pour le prestataire de soins ?
Par exemple, le trio prescripteur - exécuteur de la prescription - patient aura accès à la même base de données. Cela permet de savoir si la prescription est en cours d’exécution ou non, si le patient a démarré le traitement et, dans l’affirmative, à quelle date.
Cela améliore la collaboration entre toutes les parties car l’information est présente sans même qu’on ait besoin de la demander. Les prescriptions dématérialisées seront donc plus riches qu’aujourd’hui. Aujourd’hui, le médecin doit décrocher son téléphone ou voir le patient pour avoir ces informations.
Cela permet une meilleure observance thérapeutique du patient, en somme.
C’est exactement cela.
Recip-e met en lumière le rôle central que joue le médecin généraliste dans les prescriptions d’orientation. Est-ce la volonté de mettre le médecin généraliste au centre de la prescription ?
Il y a certaines obligations légales à observer. Cela dépend du type de prescription de renvoi. Certaines prescriptions de renvoi demandent que le flux soit initié par un spécialiste. Mais dans la plupart des cas, effectivement, le mouvement est initié par le généraliste qui a un rôle de coordinateur de soins.
Quand ce dernier aura, pour tous les exécuteurs de soins, une vue générale sur toutes les prescriptions, il ne verra plus seulement ce qu’il prescrit, mais également ce que les autres prescrivent et si les soins ont démarré ou sont déjà finis. Tout cela via la prescription.
Cela constitue un avantage au niveau observance thérapeutique, mais aussi au niveau de la sensibilisation et de la communication avec le patient. Cela permet aux médecins d’avoir une connaissance plus avancée du dossier de son patient.
L’autre grand chantier concerne les prescriptions pharmaceutiques. Quelles sont les prochaines étapes dans ce domaine ?
Fin de cette année, les médecins auront accès à toutes les prescriptions pharmaceutiques ouvertes concernant leurs patients. Même celles qu’eux-mêmes n’ont pas initiées. Par exemple, les prescriptions ouvertes par des spécialistes.
Cela permet une meilleure communication entre prestataires et permet d’éviter les prescriptions inutiles. Cela permet aussi d’avoir des informations sur ce qui a été prescrit si le patient a subi une hospitalisation. Cela permet, in fine, de mieux s’y retrouver dans un système où les informations ne sont pas toujours bien structurées et de gagner du temps.
Concernant les prescriptions de renvoi, quelles sont les échéances ?
Il est d’abord prévu, d’ici novembre 2024, de dématérialiser les prescriptions de renvoi pour le secteur des professionnels de l’art infirmier à domicile. Cela représente 50% du volume des prescriptions de renvoi. Viendra ensuite une deuxième phase qui concerne 8 à 10 professions de santé. Cela se fera en deux temps, pour digérer la masse d’informations reçue des groupes de travail. Enfin, il y aura la biologie clinique et les autres professions qui produisent moins de prescriptions de renvoi.
Dès aujourd’hui, des tests sont menés auprès des patients. Est-ce que le produit sur lequel nous travaillons est vraiment ce qui leur est nécessaire ? Ont-ils d’autres besoins ? C’est maintenant qu’il faut réfléchir, car le but est d’avoir un « produit » harmonisé avec les prescriptions pharmaceutiques. Il ne faut pas changer ce qui fonctionne déjà. Et Il faut tenir compte des nuances de certaines prescriptions de soins. Elles ne contiennent pas toutes des produits pharmaceutiques. Il faut donc réfléchir à une standardisation de la prescription de renvoi, ce qui rendra le travail des médecins plus simple.
En plus de tout cela, il est également nécessaire que la technique suive. La standardisation que nécessite la dématérialisation des prescriptions de renvoi, les nouveaux liens entre les prescriptions et la meilleure visibilité des prescriptions par les prestataires de soins…Tout cela requiert de grands changements techniques qui ne sont pas de notre ressort.
Vous êtes directrice de Recip-e depuis 2019.
Est-ce que vous voyez une évolution positive de la dématérialisation ?
Les médecins ont toujours été favorables à la dématérialisation car cela leur facilite la vie. Autre avantage pour eux : ils ont de nombreuses informations supplémentaires grâce à la digitalisation, nous en avons fait la démonstration ensemble.
Les patients ont quant à eux désormais accès à une application où ils peuvent consulter leurs prescriptions.
Bref, nous sommes sur le bon chemin et nous avançons vers la dématérialisation.
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