Élections
e-santé : les attentions des prestataires de soins à l’approche des élections
Ce dimanche 9 juin marque le jour des élections. Après un tour d’horizon de ce que proposent les partis francophones en e-santé le mois dernier, il est désormais temps de se pencher sur les désidératas des différentes professions de soins.
Le GBO, syndicat des médecins généralistes, fait de l’e-santé une de ses cinq priorités dans un mémorandum à l’attention des partis politiques francophones.
La première attente du GBO est que le dossier médical global (DMG) devienne un DMG informatisé, partagé et unique (DMGIPU). Derrière cet acronyme se cache un dossier rassemblant l’ensemble des données, avec un partage aisé entre les différents prestataires de soins qui prennent en charge le patient (selon des autorisations d’accès prédéfinies, qui diffèrent en fonction du métier du soignant et de la nature des données). « Le patient devrait être également impliqué dans l’alimentation de ce DMGIPU », estime le GBO, et « le médecin généraliste doit en être le gestionnaire ».
Le syndicat de médecins généralistes estime en outre que l’informatique doit favoriser la prescription optimale, tant sur le plan de la médication choisie que du prix. « Elle aidera à un diagnostic précis et, partant, à un traitement adapté, en minimisant l’errance diagnostique et thérapeutique, en particulier pour les affections rares. »
Enfin, le GBO estime que l’échange de données de santé de manière électronique doit se faire de manière accessible pour les prestataires de santé et sans préalable commercial d’affiliation. « Les réseaux de santé régionaux doivent rester prioritaires. »
Du côté de l’Absym, syndicat reprenant des généralistes et des spécialistes, on estime que « les patients ont le droit de décider quels prestataires de soins peuvent avoir accès à leurs données médicales. Le consentement éclairé des patients n’est pas un concept élastique et ne peut être ouvert à l’interprétation. » Et de prévenir : « La vigilance doit rester de mise car l’utilisation correcte des données de santé est en permanence sous pression. De nombreuses initiatives se moquent du consentement éclairé des patients ou l’interprètent à leur guise. La sécurité dans l’échange des données des patients est une priorité absolue qui ne peut être compromise. »
L’e-santé fait également partie des prérogatives des pharmaciens pour les prochaines élections. L’Association pharmaceutique belge (APB) a formulé 36 propositions regroupées en cinq dimensions clés.
Les pharmaciens estiment d’abord qu’il est important de stimuler les évolutions conduisant à un recours accru à l’e-santé, la m-santé, l’intelligence artificielle et aux processus d’automatisation dans les soins de santé. Ils recommandent, par le biais de l’APB, aux instances européennes de rationaliser les flux de données importants générés. « À cet égard, notre secteur salue la proposition de la Commission européenne de créer un ‘Espace européen des données de santé (EHDS)’ pour réglementer l’utilisation primaire et secondaire des données de santé. »
Il existe aussi la volonté d’améliorer la collaboration interdisciplinaire entre prestataires de soins et le partage des données. Cela constitue « une exigence fondamentale et doit devenir la norme », estime l’APB. « Le pharmacien d’officine souhaite jouer un rôle actif dans ce domaine, en collaborant avec ses confrères et avec d’autres prestataires de soins au sein d’un réseau actif autour du patient. Cette collaboration devrait se fonder sur une vision d’avenir commune, articulée autour de thèmes concrets tels que les soins transmuraux, VIDIS, etc. De cette façon, le partage de données de santé entre prestataires de soins peut également contribuer à un décloisonnement accru entre les différentes professions concernées. »
L’e-santé ne fait pas partie des priorités politiques de l’Union générale des infirmiers de Belgique (UGIB), qui est davantage – et on peut le comprendre – inquiète de la situation de pénurie, de la formation et de la pénibilité au travail des infirmières.
On note toutefois une volonté de la part des professionnels de l’art infirmier d’améliorer la formation. « Les techniques innovantes, les nouvelles connaissances scientifiques, la numérisation… Toutes rendent nécessaires la formation et l’éducation permanentes des infirmiers », estime l’UGIB. « Cependant, les spécialisations des infirmiers ne donnent lieu à aucune reconnaissance (financière) et ne sont pas encouragées, par exemple, par les congés payés de formation. Cela engendre un recul de l’expertise et de la qualité des soins prodigués. Chaque infirmier doit avoir la possibilité de fournir des soins sur la base de données probantes et disponibles sur le moment, dans le but de pouvoir prendre des décisions avec le bénéficiaire des soins pour les optimiser. »
Les demandes sont donc orientées primes et budget : des programmes de formation qui suivent l’évolution sur le terrain et au sein de la société (par exemple, un module de formation en santé au travail), ou encore des primes de formation pour la formation continue légalement obligatoire, y compris pour les infirmiers indépendants.
L’e-santé est aussi présente dans les solutions de l’UGIB pour augmenter l’attractivité de la profession : « De bonnes conditions de travail contribuent à maintenir les infirmiers dans le secteur de la santé. Elles peuvent être promues, par exemple, par l’utilisation d’un logiciel unique, par le développement d’hôpitaux magnétiques, la fourniture de soins innovants… Il est également important de surveiller et d’améliorer en permanence la qualité des conditions de travail si nécessaire, afin de savoir où se situent les problèmes et les besoins. Les établissements de soins peuvent utiliser les données pour améliorer les conditions de travail. »
La digitalisation fait partie des 12 priorités retenues par AXXON, l’organisation faîtière fédérale représentant les kinésithérapeutes.
Ces derniers regrettent ne pas encore avoir accès aux données reprises dans le dossier médical de leurs patients. Et plus encore : ils regrettent qu’au sein de l’assurance maladie, « il n’existe aucun moyen de traiter et d’encadrer correctement les patients de façon digitale. La crise du covid-19 nous a appris qu’il existe de nombreuses opportunités en matière de vidéo-consultation et de suivi à distance. »
AXXON souhaite donc « accélérer le déploiement d’un environnement de travail totalement dépourvu de papier. La communication (inter)disciplinaire et avec les mutuelles doit se faire sous forme informatisée. Les kinésithérapeutes doivent avoir le droit d’écrire et de lire les dossiers médicaux des patients. »
AXXON vise une numérisation complète du secteur avec un dossier kinésithérapique électronique bien développé. « Un enregistrement approfondi des pathologies permettra de mieux identifier les besoins et donc d’adapter efficacement le budget de la kinésithérapie à ceux-ci. »
AXXON estime ensuite que la vidéo-consultation et le télémonitoring font partie des compétences des kinésithérapeutes. « Un cadre juridique et financier doit être créé pour permettre aux patients de les utiliser de manière transparente. »
Les kinésithérapeutes estiment que la dématérialisation accélérée du secteur réduirait la charge administrative et permettrait de limiter au strict minimum les attestations erronées. « La création d’une application digitale de référence simplifierait l’administration des informations relatives au patient pris en charge pour le référent/le prescripteur », estime AXXON.
En conclusion, pour le patient, permettre au kinésithérapeute d’accéder à l’ensemble du dossier médical permettrait des soins de meilleur qualité. « La digitalisation des soins de santé augmenterait considérablement l’accessibilité aux soins des patients. Le processus de prise en charge dans sa globalité serait plus rapide, ce qui accélérerait également les remboursements », justifie AXXON. « Les contacts entre prestataires de soins de santé s’en trouveraient également améliorés et une coopération interdisciplinaire pourrait être mise en place. »
Si l’Union professionnelle des sage-femmes belges (UPSFB) ne parle pas directement d’e-santé, elle mentionne un des objectifs premiers de la digitalisation des professions de soins : le travail en réseau. L’Union soutient ainsi « une valorisation du temps de coordination des soins pour soutenir la concertation des différents intervenants concernés et développer les pratiques de réseau ». l’UPSFB explique : « La sage-femme exerce un rôle de coordination des soins autour de toute nouvelle famille, elle intervient en première ligne, du désir de grossesse au 1 an de l’enfant. Elle est donc le seul professionnel pouvant proposer une offre de soin continue et globale durant toute cette période. Elle occupe une place centrale dans le suivi en dispensant les soins de santé nécessaires à l’accompagnement des différentes phases de la périnatalité. Mais son travail sera optimalisé par une collaboration étroite avec une équipe pluridisciplinaire (gynécologues, pédiatres, médecins généralistes, mais également les diététiciens, travailleurs sociaux, psychologues et tout autre professionnel gravitant autour de la famille). C’est en mettant la femme, son enfant à naitre, le couple au centre du système, que la sage-femme va mettre en place un réseau multidisciplinaire permettant de répondre aux besoins de la famille. Les services nécessaires à un accompagnement de qualité sont déjà sur le terrain, il nous semblerait pertinent de les utiliser à bon escient en informant le grand public des différentes offres d’accompagnement sans en stigmatiser l’usager. Une campagne de communication sur le rôle de la sage-femme nous semble incontournable! Nous pensons également que des services comme l’ONE, les aides familiales et ménagères gagneraient à être connus du grand public. Il ne nous semble pas pertinent de créer de nouveaux professionnels de la santé avant d’avoir optimalisé la collaboration avec ceux occupant déjà le terrain. »
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