Réseau santé wallon
Bientôt un schéma pharmacien disponible sur le RSW
Cela fait une bonne décennie que l’on discute du projet VIDIS (« Virtual Integrated Drug Information System »). Mais on ne le voit toujours pas poindre le bout de son nez. En tout cas pas au niveau de collaboration qui est attendu entre tous les prestataires de soins. Néanmoins, les choses bougent. Le Réseau santé wallon (RSW) disposait déjà du schéma de médication partagé des médecins. Il disposera, en 2023, du schéma de délivrance des pharmaciens. Une excellente nouvelle pour les médecins qui pourront compléter les informations déjà disponibles sur le schéma de médication partagé.
Pour comprendre l’intérêt du schéma pharmacien, il est important de rappeler qu’il existe différents types de schémas de médication à l’heure actuelle. À côté du schéma de médication partagé qui est déposé sur le Réseau Santé Wallon (RSW), il y a le schéma pharmacien qui est lui déposé sur un réseau propre aux pharmaciens, le Pharmaceutical Care Database Hub (PCDH). « C’est un souci, car à l’heure actuelle, il y a donc deux schémas de médication : le schéma de médication intentionnel, qui est celui que le prescripteur a l’intention de prescrire, et le schéma de médication délivré par le pharmacien, où ce dernier ajoute, supprime ou modifie des médications en fonction de la demande du patient », explique le Dr Laurent Mersch-Mersch, consultant pour le projet e-santewallonie et pour le RSW. « On ne peut que le regretter car il est compliqué pour le patient de comprendre quel schéma il doit suivre ou pourquoi il a plusieurs schémas de médication. J’espère qu’à l’avenir, nous aurons un unique schéma de médication accessible à tous les professionnels de la santé y compris le pharmacien. »
Le projet VIDIS
Cet avenir, c’est le projet VIDIS. Un projet qui « vise à partager les données et les informations sur tous les aspects du traitement médicamenteux, de façon électronique, efficace et efficiente », renseigne l’Inami qui coordonne ce projet. Cela se fait donc via le schéma de médication auquel ont pour l’instant accès les médecins, dentistes, sages-femmes et infirmières. Plus tard, il est convenu que le service soit également utilisé par les pharmaciens de ville.
La participation des pharmaciens au projet est très attendue de la part du corps médical, notamment car elle permettra de savoir si le schéma d’intention du prescripteur est bien délivré, ou non. Une bonne manière de suivre la compliance du patient.
« C’est le schéma idéal », avance le Dr Mersch-Mersch. « Il est déjà fonctionnel entre médecins généralistes et spécialistes. Mais les logiciels des pharmaciens ne sont pas connectés au système de ce schéma de médication partagé du RSW et cela n’interviendra probablement que dans un an au plus tôt. »
« Ce serait très intéressant effectivement d’avoir un schéma dynamique où chacun peut apporter sa pierre à l’édifice », confirme Charles Ronlez, porte-parole de l’Association pharmaceutique belge (APB), qui suit le projet depuis ses débuts. « Mais plusieurs éléments coincent. D’abord au niveau de la gestion du projet, où différents chefs de projets se sont succédé, ce qui a retardé l’échéance. Ensuite, il est difficile de concilier les visions de chacun. Tout mettre dans le schéma de médication est compliqué. Enfin, il faut également s’entendre sur qui prend la responsabilité de ce schéma de médication. Quand ces dernières questions seront résolues, nous aurons un produit efficace. Mais entre l’idée et la réalisation, il y a un pas, notamment technique, à franchir. » Un pas qui sera probablement franchi en 2023, voire en 2024 au plus tard, confirme le pharmacien.
Une alternative temporaire sur l’input des pharmaciens
Vous l’aurez compris, le projet VIDIS n’aboutira pas pour Noël, loin s’en faut. En attendant, les pharmaciens ne sont pas restés bras ballants et ont décidé de partager leur schéma pharmaceutique, qui sera bientôt accessible via le RSW. « Nous avons fait une proposition, qui a mis longtemps à se mettre en place, pour partager le schéma pharmaceutique avec les autres prestataires de soins en lien avec le patient », explique Charles Ronlez. « Il s’agira par contre d’une image statique. C’est toutefois davantage qu’un PDF car on peut l’intégrer dans le logiciel métier d’un médecin. »
Il y avait 7.000 schémas présents en octobre sur le réseau PCHD. C’est peu, surtout en comparaison aux 338.661 schémas de médication actifs présents sur le RSW ce même mois d’octobre. « C’est peu, mais cela s’explique car les logiciels métiers des pharmaciens doivent encore faire le lien vers les hubs et meta-hubs », rétorque Charles Ronlez. « Il faut surtout que le RSW ouvre les portes au niveau wallon. Mais ce n’est qu’un détail à régler. » Pour l’heure, aucune date précise ne filtre. Il faudra donc attendre 2023.
Important pour le généraliste
Proposer le schéma pharmacien sur le RSW est bien entendu une étape intermédiaire. Une fois le projet VIDIS abouti, il s’agira évidemment d’éviter les doublons au niveau du schéma de médication. « Pour l’heure, nous répondons juste à l’engagement pris lorsque Maggie De Block, alors ministre fédérale de la Santé, avait mis en place le pharmacien de référence », explique Charles Ronlez « L’engagement était de rendre disponible le schéma de médication dès que techniquement possible. Mais tant que ce schéma de médication n’est pas dynamique, il a très peu d’utilité pour le pharmacien. Pour le patient par contre, il est utile que les autres prestataires sachent ce qui lui est réellement délivré en pharmacie. »
« Même s’il s’agit d’une étape intermédiaire, il est important, en tant que médecin généraliste, de pouvoir voir le schéma pharmaceutique », confirme le Dr Laurent Mersch-Mersch. Les chiffres eux-mêmes en attestent. Rien que sur le mois d’octobre, les médecins ont consulté un schéma de médication à 157.733 reprises. La demande est donc belle et bien présente. Osons espérer, désormais, que les choses bougent également pour que le projet VIDIS aboutisse.
Pourquoi y a-t-il peu de pharmaciens sur le RSW ?
Il y a, en Wallonie, 1.578 pharmacies dont 181 en arrêt d’activité. 938 pharmaciens sont inscrits au RSW.
On pourrait penser, par simple calcul que 65% des pharmacies sont inscrites sur le RSW, mais il ne faut pas faire l’amalgame entre pharmacies et pharmaciens !
Pour Charles Ronlez, il y a encore trop peu de pharmaciens inscrits au RSW. « Il y a plusieurs raisons à cela », avance l’intéressé. « La première est que les pharmaciens sont dépendants du bon vouloir des logiciels. Chez les médecins, il y a une obligation de connexion aux différents hubs car il y a une labélisation. Cette labélisation n’existe pas chez les pharmaciens. Il n’y a pas de prime télématique pour les pharmaciens. La difficulté pour les logiciels, c’est que la labélisation prend du temps et beaucoup d’énergie. »
Difficile pour les pharmaciens de mettre la pression sur l’INAMI pour l’obtention d’une prime télématique. « Cela fait dix ou quinze ans que l’on négocie ! D’un côté, nous étions le premier secteur entièrement informatisé pour des raisons administratives et nous n’avons pas eu besoin d’incitants. D’un autre côté, il ne faut pas avoir une prime télématique qui nous priverait d’un autre budget. Cela n’a pas beaucoup de sens », confie le porte-parole de l’APB.
Dès lors, comment inciter le pharmacien à se connecter au RSW ? « Le RSW avance la possibilité de consulter le Sumehr. Mais un pharmacien ne peut pas tout voir. Le RSW avance également la possibilité de consulter le schéma de médication. Mais les pharmaciens, même sans le schéma de médication, savent ce que le médecin a l’intention de prescrire par le biais des prescriptions… »
Ajoutez à cela que, pour diverses raisons, consulter son logiciel métier n’est pas toujours pratique en officine pour diverses raisons, et in fine, vous comprendrez pourquoi les pharmaciens n’ont pas vraiment la volonté de s’intégrer au RSW…pour l’instant. « Si demain, l’INAMI explique que pour toucher la prime de pharmacien de référence, il faut déposer le schéma de médication à tel endroit et se connecter au RSW, tous les pharmaciens wallons se connecteront au RSW pour toucher leur prime. Il manque à la fois quelque chose d’intéressant en termes de pratique journalière et un bâton pour dire ‘Vous n’êtes pas payés si vous ne le faites pas’. »
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